"Est-ce que t'es méchant ?"
J'arrive au taf, et y'a cette petite fille qui me regarde,
Je fais le double de sa taille, suis mal rasé,
Mes cheveux gras pendent sur mes épaules et j'empeste le tabac.
Cette question, on me l'a posée plusieurs fois dans l'année, au gré de mes remplacements,
Mais elle, toute seule devant moi, qui me la pose du haut de ses huit ans,
Ses yeux bleus d'amoureux plongés dans mes yeux marrons de cochon,
Ce jour là,
Elle m'a transpercé.
J'suis resté sur le cul bien que toujours debout,
Elle me fixait, sans animosité, sans aprioris,
Juste curieuse. [...
J'aurais voulu m'agenouiller devant elle et sans détourner le regard, lui souffler :
"Tu sais,dehors c'est bourré de gens,
De gens bourrés.
Tu ne peux pas savoir comme chacun d'eux est unique, sensible, blessé,
Dangereux.
Tu ne peux pas savoir comme chacun d'eux a de bonnes raisons de crier à la cantonade comme je peux briser,
Décrépir ou annihiler l'espoir, la joie, les envies,
Comme je suis méchant.
Non tu ne peux pas savoir, et c'est là une belle chance que t'as,
De ne pas être l'une d'entre elles.
Les gens dehors aveuglés par la rumeur, les cris de douleur,
Les fausses images et les mirages,
Les grands, les autres,
Te diraient de te méfier, d'ici à ce qui se dise dans les faux-bourgs que je m'adonne à la pédophilie.
Tu vois dehors, ça dégueule, ça crache, ça meurt,
Dehors ça a peur, et c'est pas très futé d'une rue à l'autre,
D'un bruit de pas à un bruit de couloir.
Dehors ça ne sait pas comme il est dur de remonter la pente quand une majorité se trompe à ton compte,
Se complait à croire en l'horreur de tes actes dictée par quelques bouches tremblantes à l'idée que tu pourrais être juste derrière eux et les entendre,
Dehors, c'est toi contre les autres,
Dehors c'est moche,
Trop moche pour qu'on y voit encore les efforts, les envies de changement, les besoins de savoir,
Que dans la spirale de haine qui s'instaure parfois contre ton prochain peut subsister des lamelles de bonne volonté.
Dehors ça pue, et moi quand je rentre ici, que je te regarde,
Je me lave, parce que je te vois, et je sais que tu ne pourras me juger qu'à ma propension à bien te faire faire tes devoirs ce soir,
A t'entendre si t'as besoin d'une feuille, de savoir combien font 9x7, ou si "chaleur" prend un "e" à la fin.
Je te regarde, toi pure, et je vois mon amoureuse - tu as son regard, ce regard qui veut savoir si on va s'en sortir,
Un jour ou l'autre, en dépit des promesses de l'ombre alcoolisée,
Si je ne te punirai pas ce soir alors que tu n'as pas ta trousse -
Et j'ai envie de pleurer, parce que ce que je lis dans tes yeux,
Ceux que j'ai connu ces dix-neuf dernières années, ils ne peuvent plus me l'apporter, salis par une maturité qu'ils se targuent de maîtriser"
"Mais alors, t'es méchant ou pas ?
Non ma puce, je ne suis pas méchant,
Et tu ne sauras jamais à quel point oser me parler avec franchise yeux dans les yeux, sans ciller,
Oser sous-entendre que je n'ai pas ma place en face de toi si je l'étais, sans préalablement le chuchoter à tes copines,
Dans la même ignorance que tous les autres,
Sans, avant de m'avoir clairement demandé, juste toi devant moi, si c'était le cas ;
Tu ne sauras jamais à quel point ce regard d'innocence que tu m'apportes,
Me libère.
Dehors, il n'y a plus d'innocents."
La gamine aurait hoché la tête, serait retournée jouer à la marelle,
Les devoirs auraient été parfaitement exécutés, parce qu'elle était douée,
Sa mère serait venue la chercher dix minutes avant la fin de l'étude,
Et au moment de franchir la porte, j'aurais susurré à son oreille,
Merci.
Arrivée chez elle, elle aurait juste déclaré,
Aujourd'hui Maman, j'ai rencontré un type bien, pourtant il faisait un peu peur.
...] J'ai juste répondu :
"Non je ne suis pas méchant,
Tu as de très jolis yeux tu sais,
Je m'appelle Sullian,
Et toi, qui es-tu ?"
J'arrive au taf, et y'a cette petite fille qui me regarde,
Je fais le double de sa taille, suis mal rasé,
Mes cheveux gras pendent sur mes épaules et j'empeste le tabac.
Cette question, on me l'a posée plusieurs fois dans l'année, au gré de mes remplacements,
Mais elle, toute seule devant moi, qui me la pose du haut de ses huit ans,
Ses yeux bleus d'amoureux plongés dans mes yeux marrons de cochon,
Ce jour là,
Elle m'a transpercé.
J'suis resté sur le cul bien que toujours debout,
Elle me fixait, sans animosité, sans aprioris,
Juste curieuse. [...
J'aurais voulu m'agenouiller devant elle et sans détourner le regard, lui souffler :
"Tu sais,dehors c'est bourré de gens,
De gens bourrés.
Tu ne peux pas savoir comme chacun d'eux est unique, sensible, blessé,
Dangereux.
Tu ne peux pas savoir comme chacun d'eux a de bonnes raisons de crier à la cantonade comme je peux briser,
Décrépir ou annihiler l'espoir, la joie, les envies,
Comme je suis méchant.
Non tu ne peux pas savoir, et c'est là une belle chance que t'as,
De ne pas être l'une d'entre elles.
Les gens dehors aveuglés par la rumeur, les cris de douleur,
Les fausses images et les mirages,
Les grands, les autres,
Te diraient de te méfier, d'ici à ce qui se dise dans les faux-bourgs que je m'adonne à la pédophilie.
Tu vois dehors, ça dégueule, ça crache, ça meurt,
Dehors ça a peur, et c'est pas très futé d'une rue à l'autre,
D'un bruit de pas à un bruit de couloir.
Dehors ça ne sait pas comme il est dur de remonter la pente quand une majorité se trompe à ton compte,
Se complait à croire en l'horreur de tes actes dictée par quelques bouches tremblantes à l'idée que tu pourrais être juste derrière eux et les entendre,
Dehors, c'est toi contre les autres,
Dehors c'est moche,
Trop moche pour qu'on y voit encore les efforts, les envies de changement, les besoins de savoir,
Que dans la spirale de haine qui s'instaure parfois contre ton prochain peut subsister des lamelles de bonne volonté.
Dehors ça pue, et moi quand je rentre ici, que je te regarde,
Je me lave, parce que je te vois, et je sais que tu ne pourras me juger qu'à ma propension à bien te faire faire tes devoirs ce soir,
A t'entendre si t'as besoin d'une feuille, de savoir combien font 9x7, ou si "chaleur" prend un "e" à la fin.
Je te regarde, toi pure, et je vois mon amoureuse - tu as son regard, ce regard qui veut savoir si on va s'en sortir,
Un jour ou l'autre, en dépit des promesses de l'ombre alcoolisée,
Si je ne te punirai pas ce soir alors que tu n'as pas ta trousse -
Et j'ai envie de pleurer, parce que ce que je lis dans tes yeux,
Ceux que j'ai connu ces dix-neuf dernières années, ils ne peuvent plus me l'apporter, salis par une maturité qu'ils se targuent de maîtriser"
"Mais alors, t'es méchant ou pas ?
Non ma puce, je ne suis pas méchant,
Et tu ne sauras jamais à quel point oser me parler avec franchise yeux dans les yeux, sans ciller,
Oser sous-entendre que je n'ai pas ma place en face de toi si je l'étais, sans préalablement le chuchoter à tes copines,
Dans la même ignorance que tous les autres,
Sans, avant de m'avoir clairement demandé, juste toi devant moi, si c'était le cas ;
Tu ne sauras jamais à quel point ce regard d'innocence que tu m'apportes,
Me libère.
Dehors, il n'y a plus d'innocents."
La gamine aurait hoché la tête, serait retournée jouer à la marelle,
Les devoirs auraient été parfaitement exécutés, parce qu'elle était douée,
Sa mère serait venue la chercher dix minutes avant la fin de l'étude,
Et au moment de franchir la porte, j'aurais susurré à son oreille,
Merci.
Arrivée chez elle, elle aurait juste déclaré,
Aujourd'hui Maman, j'ai rencontré un type bien, pourtant il faisait un peu peur.
...] J'ai juste répondu :
"Non je ne suis pas méchant,
Tu as de très jolis yeux tu sais,
Je m'appelle Sullian,
Et toi, qui es-tu ?"